Yala

Yala

Sara Llorca - Compagnie du Hasard Objectif
au Théâtre de l’Arsenal du 26 au 30 avril 2021

 

LA FEMME BIGARREE Je lutte. / Je suis lutte. / Je suis la lutte. / Mon corps se tord. / Mon corps se hisse. / Mon corps plie. / Mon corps s'arrondit. / Mon esprit aussi. / Je titube. / Je suis emportée par le poids. / Je fléchis. / J'accuse le coup. / Je manque de tomber. / Je manque de me briser. / J'esquive. / Je me redresse. / Je rends coup pour coup. / Je sens le vide autour. / Je suis seule. / J'entre dans le tourbillon. / Je m'évanouis. / Je me ressaisis. / Je prends peur. / Je crie. / Je glisse à nouveau. / C'est bon. / La lutte est belle. / Je m'étourdis. / Je veux me sauver. / Une partie de moi s'accroche. / Je suis pétrifiée. / Je suis ensorcelée. / Mon corps est malade. / Il résiste au feu. / Il cherche à se rafraîchir. / Il cherche à sortir de là. / Il fait sa bulle. / Il est pathétique. / Il est pathétique ce corps amoureux. / Je le regarde frémir. / Je le regarde.

 

LE VISITEUR Mais je ne cède pas. / Je marche sur des œufs. / Tu entends ? / Là, sous mon pied, là, les secousses, là. / Les secousses sont dans mon pied. / Mon pied prend les sons, tous les sons. / Et je marche sur des œufs. / Les tirs à l'autre bout. / Ça gronde dans mon pied. / Je marche. / Mon ventre sait. / Les tremblements, tu sens ? / La main de l'enfant, toute petite main lâchée. / La main cherche la main, dans le vent. / Je l'ai. / Dans mon ventre, je l'ai. / Et la blessure de l'homme, je l'ai. / Dans mon ventre, je l'ai.

 

LA FEMME BIGARREE Tu fais claquer. / Tu claques des doigts. / Tu appelles les esprits, là-haut, tout autour pour qu’ils te regardent. / Ils posent leurs yeux sur toi. / Un instant tout s’arrête. / Tu retiens le souffle. / Il n'y a plus rien. / Tu existes. / Au centre des vies. / Plus de séparation, rien d'autre que toi. / Au centre du grand mouvement. / Rien ne bouge. / Toi, rien d'autre. / Tu es aveugle. / Tu es sourde. / Tu es là. / Tu espères que le là-haut rejoigne le là-bas, en bas. / On te salue. On te visite. On s'empare de toi. / Rendez-vous chez toi. / Les abîmes avalent la lumière ou l'inverse, aucune importance. / C'est le grand choc, la grande confusion. / Un instant comme à l’heure de la naissance, quand rien n’est tout à fait né ou lorsque ça meurt, va mourir dans un instant mais pas encore, pas tout à fait, tu vois ? / Tu rassembles ce qu’il y a d’éclaté par le temps. / Tu relies dans ton corps le haut et le bas, entre le bout de tes doigts et le dessous de ton pied, entre tes fesses, juste là. / Tu n’es plus rien qu'un trou, un passage, une bouche, conductrice d’électricité. / Tu es traversée.