Train n°6857

Train n°6857

Duck-Billet Company
Textes : Marie Nimier

Depuis quelques jours à Val de Reuil, j’entendais parler de Grégoire. Grégoire ceci, tu verras, Grégoire cela. Il a un truc, ce mec. Alors j’attendais Grégoire, le truc de Grégoire, et j’ai croisé les yeux pétillants d’Eloïse.

Ils sont deux en résidence, deux à créer, s’appuyant l’un sur l’autre pour faire surgir des situations cocasses, façon couple burlesque des films en noir et blanc, et s’il écrit la musique, c’est bien à deux que se mène la danse sur la scène de la MJA où ils ont posé leurs affaires.

Une semaine de répétition, une semaine entière ! « C’est beaucoup, s’enthousiasme Grégoire, on n’a pas l’habitude d’avoir de grandes plages ! »


40 minutes, 4 parties, y-a plus qu’à écrire la danse (ben oui, mec, plus qu’à)

Une grande plage, donc, avec un tapis noir qui gondole en guise de sable, évoquant irrésistiblement le mouvement du train. Car nous sommes dans un train. De chaque côté de l’espace, des chaises municipales figurent les banquettes sur lesquelles s’assiéront bientôt les premiers spectateurs venus flairer l’air d’un Arsenal hors les murs. L’espace de jeu est la travée centrale. Les incursions vers les spectateurs respecteront les distances sanitaires, mais l’on sent bien que ces deux-là seraient prêts à grimper sur les genoux des voyageurs s’ils le pouvaient, et que tout le wagon partirait dans un joyeux délire au moment du contrôle des billets.

Éloïse : « Enroule, enroule, enroule ! T’enroule pas assez ! »

La danse se cherche, narrative, théâtrale, ponctuées d’annonces SNCF (prises sur le vif ou enregistrées maison), annonces montées et démontées — il s’agit d’un incident, si dans, si dans, si dans, d’un retard difficile à évaluer… Éloïse fait la moue sous sa casquette, façon Anna Karina dans Pierrot le Fou, Grégoire se gratte la tête, l’air perplexe, il est très fort en air perplexe, Grégoire. Il a de grandes mains qui sortent tout droit d’un tableau d’Egon Schiele

Les répétitions se poursuivent le lendemain matin. Matinée solo, Éloïse expérimente cette chose que nous connaissons tous : elle revient de la voiture-bar, les bras chargés de victuailles. Impro sur le tombé rattrapé glissé coincé avec une idée fixe en tête : continuer à boire son verre d’eau. Avec le masque, ça se corse. La scène clownesque vire à la tragédie, le regard se transforme. Du « Je danse avec des trucs » on passe à « Je ne lâcherai rien ».

Le travail ? Être au sol ou ne pas l’être, un peu, pas trop, reprendre en musique la ronde des mais si, et alors, on pourrait, si on…