Impact d’une course

Impact d’une course

La Horde dans les pavés
au Théâtre de l’Arsenal du 1er au 5 février 2021

Texte : Philippe Priasso

Je descends le plateau côté jardin pour aller me placer en salle afin d’assister à une répétition de la troupe et déjà, en coulisses, je perçois l’impact de six corps en duo qui s’affrontent.

 

Une fois assis, leurs déplacements me frappent, lents cheminements des corps en appui qui finalement disparaissent hors plateau.

Puis les duos alternent sans distinction de sexe, avançant d’un poids lent et maîtrisé dans le seul but de contrôler une masse qui ne cesse d’évoluer dans ses contours élastiques et périlleux. Les corps en équilibre franchissent leurs doubles avec une légèreté que seule la justesse des points de contact sur l’autre peut nous faire percevoir.

De même les portés de passage sont autant de portes ouvertes d’un bout à l’autre de la ligne. Ces quatre hommes et ces deux femmes sont sensiblement de la même taille et me font croire à la même force quand soudain l’énergie contenue éclate en courses, sauts, détours, glissades, esquives et contacts désordonnés qui s’achèvent en ruades grotesques. J’entre dans cette arène éphémère au cœur d’un jeu où les rôles se distribuent au gré des rencontres fortuites et où la puissance virile semble envahir tout l’espace.

Puis les six danseurs s’agrègent en une masse compacte soumise à l’intensité des frottements des uns contre les autres.

Les corps fondent alors pour se laisser délicatement piétiner, offrant un passage vers l’autre rive. En effet, je vois des pieds qui se posent sur des mains, des dos, des cuisses, des poitrines, des épaules, des bras, voire d’autres pieds, afin de permettre à certains de ne pas toucher terre tout en continuant à avancer au sol. L’un des danseurs en marche sur Constant égrène les notes suspendues et incertaines d’un étrange attirail musical sanglé sur son buste.

Oui, je me rappelle Constant, jeune footballeur de 16 ans, lorsqu’il était au lycée en option danse facultative. Après avoir été piétiné jadis par d’autres crampons, voilà maintenant qu’un musicien danseur le parcourt avec grâce.

Quelle ironie et quels beaux chemins de traverse !

« Je tangue et ça rime à quoi ? »

dit la chanson diffusée quand tous reprennent leurs courses effrénées et sauvages, Horde de rage et d’écume déjà armée pour défoncer tous les pavés.

Ces six gars et filles-là vont donc grincer et danser en cigales tout l’été dans une énergie folle. Ce que je vois là de leur travail me fait penser qu’ils pourront probablement éviter la si rude saison des bien piètres vermisseaux.